Regarde l’étoile, appelle Marie !
« Ô homme qui te sens dériver dans cette marée du monde,
Parmi les orages et les tempêtes,
Plutôt que marcher sur la terre ferme,
Ne détourne pas les yeux de l’éclat de l’astre,
Si tu ne veux pas sombrer dans la bourrasque.
Quand se lève le vent des tentations,
Quand tu es emporté vers les récifs de l’adversité,
Regarde l’étoile, appelle Marie !
Si tu es balloté par les vagues de l’orgueil, de l’ambition,
Du dénigrement, de la jalousie,
regarde l’étoile, appelle Marie !
Si la colère ou l’avarice ou les sortilèges de la chair
Secouent la nacelle de ton âme,
regarde vers Marie.
Si, tourmenté par l’immensité de tes crimes,
Honteux des souillures de ta conscience,
Terrorisé par l’horreur du jugement,
Tu te laisses déjà happer par le gouffre de la tristesse,
Par l’abîme du désespoir,
pense à Marie !
Dans les périls, dans les angoisses, dans les situations critiques,
Pense à Marie, invoque Marie !
Que son nom ne quitte pas tes lèvres,
Qu’il ne quitte pas ton cœur et,r>
Pour obtenir le suffrage de ses prières,
Ne néglige pas l’imitation de sa vie.
Si tu la suis, point ne dévie ;
Si tu la pries, point ne désespère ;
Si tu penses à elle, point ne t’égares.
Si elle te tient, plus de chute,
Si elle te protège, plus de crainte,
Si elle te guide, plus de fatigue.
Avec sa bienveillance, tu parviens au port. »
Saint Bernard de Clairvaux
Louanges de Marie, Sermon 2, n°17, dans Sancti Bernardi Opera 4, Ed.J.Leclercq, 1966, p.34-35
Témoignage de nos sœurs d’Orléans
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Sous les bombardements en 1944.
« C’est le chapelet, l’invention géniale de la Sainte Vierge, qui nous soutient. »
Nuit du 19/20 mai.
Le cataclysme est si effrayant que tout le monde, plus ou moins habillé, descend au chœur, pour se réfugier près du bon Dieu. Dans notre chœur pourtant plus sourd que le dortoir nous avons entendu alors ce que nous n’aurions jamais pu imaginer. Nous nous attendions à tout moment à voir la voûte, les murs, s’écrouler sur nous, et nous nous serrions dans le fond sous la tribune des malades. C’était une vision d’enfer, on sentait comme une haine diabolique qui passait sur nous. La prière, la seule prière dont nous sentions le besoin dans cette affreuse angoisse, c’était le chapelet. Nous étions comme des petits enfants qui crient : Maman ! A genoux, les bras en croix, nous clamions les « je vous salue Marie »avec la ferveur et la confiance de ceux qui voient la mort prête à fondre sur eux. Au bout d’une heure à peu près, quand les avions ne passaient plus, quand on entendait seulement au loin les éclatements des bombes à retardement, nous avons dit de tout notre cœur un « Laudate » en action de grâce pour notre préservation et un « Libera » pour les victimes, et des invocations pour les mourants. A la lueur des cierges car il n’y avait plus d’électricité, nous avons récité nos matines ; et chacune a regagné sa cellule où beaucoup ont trouvé les vitres brisées, et toutes une grosse couche de poussière partout.
Nuit du 22/23 mai.
Le bruit des explosions, les ébranlements de l’air commencent. Nous disons le chapelet à genoux les bras en croix. Mais de plus en plus les détonations deviennent épouvantables, les portes et les fenêtres poussées avec violence menacent de s’arracher, les carreaux tombent, c’est un vacarme infernal. Nous nous rendons compte que nous sommes en plein sous le feu. Alors nous clamons notre prière bien plus encore que la première fois. C’est le chapelet, l’invention géniale de la Sainte Vierge, qui nous soutient. Elle connaît bien la nature humaine notre Mère. Le chapelet nous soutient physiquement, il capte la nervosité, il arrête l’effet de l’émotion trop vive. Le chapelet nous soutient moralement en nous donnant une confiance éperdue dans le secours du Ciel. La communauté reste calme, d’une ferveur admirable…
… Enfin le bombardement s’apaise et nous sortons quand le jour se lève. Nous visitons notre pauvre maison qui vient d’être si fort secouée ; partout des vitres brisées, quelques fenêtres démolies, des trous dans le toit. Comme le bon Dieu nous a bien gardées : là où il avait des religieuses, au chœur ou à l’infirmerie, aucun dégât à constater, pas même un carreau cassé !
24-28 mai.
Nous sommes obligées d’adopter un règlement de guerre. Dans la journée nous descendons à la cave dès qu’il y a une alerte. Nous y récitons le chapelet jusqu’au signal de la fin… Le soir nous disons complies à 6h1/2, suivies des matines car on ne peut plus compter sur une nuit tranquille. La nuit nous organisons un service de garde : chacune veille une heure pour que les autres puissent reposer en paix. La veilleuse prie, récite son rosaire tout en prêtant l’oreille aux bruits du dehors et ainsi les « Ave Maria » montent toute la nuit de notre maison vers le Ciel.
Le Rosaire, une dynamique propre à l’amour.
Où l’on s’en tient à la répétition des Ave Maria d’une manière superficielle, on pourrait être tenté de ne voir dans le Rosaire qu’une pratique aride et ennuyeuse. Au contraire,
il en est tout autrement si on regarde le chapelet comme l’expression de cet amour qui ne se lasse pas de se tourner vers la personne aimée par des effusions qui, même
si elles sont toujours semblables dans leur manifestation, sont toujours neuves par le sentiment qui les anime.
Si nous avions besoin d’un témoignage évangélique à ce propos, il ne serait pas difficile de le trouver dans le dialogue émouvant du Christ avec Pierre, après la
Résurrection : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? ». Par trois fois la question est posée, par trois fois la réponse est donnée : « Seigneur, tu sais bien que je
t’aime. » La beauté de cette triple répétition n’échappe à personne : par elle, la demande insistante et la réponse correspondante s’expriment en des termes bien connus
de l’expérience universelle de l’amour humain. Pour comprendre le Rosaire, il faut entrer dans la dynamique psychologique propre à l’amour.
Une chose est claire : si la répétition de l’Ave Maria s’adresse directement à Marie, en définitive, avec elle et par elle, c’est à Jésus que s’adresse
l’acte d’amour. La répétition se nourrit du désir d’être toujours plus pleinement conformé au Christ, c’est là le vrai « programme » de la vie chrétienne. Saint Paul a
énoncé ce programme avec des paroles pleines de feu : « Pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. »(Ph1, 21), et encore : » Ce n’est plus moi qui vis,
mais le Christ qui vit en moi. » (Ga2, 20). Le Rosaire nous aide à grandir dans cette conformation jusqu’à parvenir à la sainteté.
Jean Paul II, Le Rosaire de la Vierge Marie, au n° 26